Une personne âgée souffrant de troubles cognitifs risque de prendre des décisions aberrantes, voire catastrophiques, et se mettre en danger. En tant que proche, vous trouvez cette situation très difficile à vivre ? Assurer une protection juridique à votre parent par le jeu d’une tutelle ou d’une curatelle est une garantie pour sa sécurité et celle de son patrimoine. Mais la responsabilité qui vous incombe peut vous paraître écrasante.
Comment assurer une gestion efficace et respectueuse des droits de votre parent sous tutelle, sans avoir le sentiment de lui imposer des décisions contraires à sa volonté ? Quelles sont les obligations légales et les précautions à prendre pour éviter les erreurs ? Voici sept conseils primordiaux pour gérer la tutelle d’un proche avec sérénité et rigueur.
1. Comprendre les différents types de mesures de protection des majeurs
Avant de demander une mise sous tutelle d’une personne âgée présentant des troubles cognitifs importants, il faut savoir qu’existent en réalité trois dispositifs distincts. Leurs conséquences sur l’autonomie de la personne sont différentes.
-La sauvegarde de justice : la personne conserve une totale autonomie dans l’accomplissement de tous les actes de la vie courante. Mais certains actes importants, comme la vente d’un bien immobilier, une demande de prêt important ou la vente d’actions peuvent être confiées à un mandataire spécial.
-La curatelle : Si la personne peut encore effectuer les actes de la vie courante et gérer ses biens. Toutefois, elle ne peut pas les vendre ou en acheter sans être assistée par un curateur.
-La tutelle : c’est la mesure la plus stricte. La personne âgée ne peut gérer seule ses biens ni son patrimoine, ni même s’occuper d’elle-même au quotidien de façon sûre.
Souvent, une maladie neurodégénérative comme Alzheimer requiert une mise sous tutelle, tant les capacités de décision de la personne atteinte sont altérées.
2. Rechercher l’accord des membres de la famille avant la mise sous tutelle
La survenue de la maladie d’Alzheimer ou d’une pathologie apparentée chez une personne âgée peut générer une grande émotion chez ses proches. Avant toute décision importante, comme une entrée en EHPAD ou une mise sous tutelle, il est absolument indispensable de rechercher l’accord de la personne concernée ainsi que des membres de la famille.
Cet accord est d’autant plus important que la tutelle aura deux implications principales :
–Restreindre la liberté d’agir de la personne âgée ;
–Confier à une personne particulière la gestion de ses biens, décision qui peut causer des suspicions entre futurs héritiers.
Le meilleur moyen de faire accepter cette proposition est :
-D’aborder rapidement la question de la mise sous protection judiciaire ;
-De ne pas hésiter à en parler à chacun des proches du senior ;
-De ne rien précipiter : le temps des échanges est essentiel pour parvenir à une décision collective.
3. Préparer le dossier de demande de mise sous tutelle
Lorsque vous constatez chez votre parent des comportements dangereux, erratiques et pouvant conduire à des décisions lui portant préjudice, il est conseillé de préparer un dossier de demande de mise sous tutelle.
Désigner le tuteur
La demande doit concerner une personne autorisée à exercer une tutelle, à savoir :
-Le senior lui-même ;
-Une personne qui vit en couple avec le senior, mariée, en Pacs ou en concubinage ;
-Un membre de sa famille ou une personne liée par des liens résultant du mariage et non du sang (beau-frère, belle-mère…) ;
-Une personne entretenant avec le senior des liens étroits et stables ;
-Une personne exerçant déjà une autre mesure de protection juridique : curateur ou mandataires ;
-Le procureur de la République.
Rassembler les documents du dossier de tutelle
Le dossier comporte un certain nombre de pièces administratives :
-Un formulaire Cerfa 15981*03 de demande de mise sous tutelle ;
-Une copie de la pièce d’identité du senior, ainsi qu’une copie intégrale de son acte de naissance ;
-Une copie de la pièce d’identité du demandeur ;
-Une copie de la pièce d’identité de la personne qui remplirait la fonction de tuteur, ainsi qu’une copie de désignation de son domicile ;
-Un justificatif du lien de parenté entre le demandeur et le senior ;
-Un texte justifiant la demande de mise sous tutelle ;
-Des lettres des membres de la famille acceptant la nomination du tuteur ;
-Un certificat médical établi par un médecin assermenté.

4. Suivre la procédure de demande de tutelle
Lorsque votre dossier est prêt, il doit être déposé devant le juge des contentieux de la protection. Celui-ci rencontre alors la personne à protéger ainsi que le demandeur.
Après cette rencontre, et sur la foi de l’attestation médicale, le juge dispose d’un an pour décider si la mesure de protection demandée est appropriée. En général, l’instruction du dossier dure environ 6 mois.
Une fois la décision prise et notifiée, des membres de la famille comme le senior ont 15 jours pour la contester.
À noter que la tutelle est limitée à 5 ans.
5. Respecter les droits et la dignité du proche sous tutelle
La personne protégée conserve des droits fondamentaux. En tant que tuteur vous vous devez de garantir le respect de ses choix et lui laisser son autonomie, dans la mesure du possible :
–Encourager sa participation aux décisions lorsqu’elle en est capable ;
–Favoriser son maintien dans un cadre de vie familier et rassurant si c’est sa volonté et si sa condition physique et cognitive le permet ;
–Respecter son mode de vie, ses croyances et ses habitudes ;
-S’assurer qu’elle bénéficie d’activités adaptées (stimulation cognitive, sortie, interactions sociales).
6. Assurer l’accompagnement et les soins à la personne protégée
Le tuteur joue un rôle clé dans l’organisation de la vie quotidienne du senior à domicile. Les personnes âgées sous tutelle doivent être accompagnées dans certaines ou dans toutes les activités du quotidien. C’est au tuteur de s’assurer qu’il en est bien ainsi :
-En recrutant un ou des intervenants spécialisés et en organisant chaque moment de la journée (toilette, rangement, courses, repas…) ;
-En coordonnant les soins médicaux avec les professionnels de santé : neurologue, médecin traitant, gériatre…
Pour ce faire, il est nécessaire de faire en sorte que la personne protégée accepte cet état de fait. Cela passe, une fois encore, par des échanges, des argumentations, et beaucoup d’empathie.
Si la solution d’un placement en EHPAD est validée par les membres de la famille, c’est au tuteur de trouver l’établissement et d’entreprendre les démarches d’admission. Une visite préalable à différentes maisons de retraite avec la personne protégée est indispensable afin de recueillir son ressenti et de la faire participer au choix.
7. Assurer une gestion financière rigoureuse et transparente
Le tuteur est tenu d’administrer les ressources et le patrimoine de la personne protégée avec transparence et rigueur. Pour éviter toute suspicion ou contestation toujours possible, il est très fortement conseillé de :
-Ouvrir un compte bancaire dédié exclusivement aux revenus et dépenses de la personne âgée ;
-Tenir une comptabilité détaillée, avec conservation de toutes les factures et justificatifs ;
-Réaliser un inventaire des biens au début et à la fin de la tutelle, pour assurer un suivi des actifs ;
-Contacter la personne âgée ainsi que les membres de la famille avant toute décision financière importante, et recueillir leur aval ;
-Transmettre un rapport de gestion annuel au juge des tutelles, détaillant les entrées et sorties financières.
Gérer la tutelle d’un proche avec des troubles cognitifs est une responsabilité lourde, nécessitant organisation, transparence et bienveillance. Il s’agit à la fois d’accompagner la personne âgée avec honnêteté et ne laisser prise à aucune critique dans la gestion de cet accompagnement.
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